Dans un contexte d'allongement de l'espérance de vie et d'évolution des structures familiales, la transmission intergénérationnelle du patrimoine est devenue un enjeu majeur pour de nombreuses familles. 

Des stratégies permettent non seulement d'optimiser la transmission du patrimoine sur le plan fiscal, mais aussi d'anticiper et d'organiser la répartition des biens entre les différentes générations. Explorons les principaux outils juridiques à disposition pour réaliser ces transmissions.

La donation graduelle

La donation graduelle est un outil de gestion patrimoniale qui permet d'organiser la transmission d'un bien en deux phases successives. Le donateur désigne deux bénéficiaires : le premier reçoit le bien et doit le conserver, puis le transmettre au second bénéficiaire, également désigné par le donateur. Le premier bénéficiaire a l'obligation de conserver le bien reçu sa vie durant. À son décès, il doit transmettre ce bien au second bénéficiaire choisi par le donateur initial. Cette méthode offre plusieurs avantages, notamment le contrôle de la destinée d'un bien familial spécifique, l'organisation des revenus pour un conjoint sans léser les enfants, et la possibilité d'avantager un enfant, notamment handicapé, tout en préservant l'égalité.

La donation résiduelle

La donation résiduelle est une variante de la donation graduelle, très souvent utilisée pour aider un enfant présentant un handicap tout en prévoyant la transmission future du patrimoine (plus encore que pour la donation graduelle). Dans ce cas, le donateur transmet tout ou partie de son patrimoine à un premier bénéficiaire. Ce dernier peut disposer librement des biens reçus, mais uniquement à titre onéreux (impossibilité de concéder une donation sur les biens qui sont l’objet de ladite donation). À son décès, le reliquat de la donation est transmis à un second bénéficiaire choisi par le donateur initial. Sur le plan fiscal, le premier bénéficiaire paie les droits de mutation sur la valeur des biens transmis. Le second bénéficiaire est taxé au moment du décès du premier donataire, en fonction de son lien de parenté avec le donateur initial. Une faveur fiscale permet au second bénéficiaire de déduire les droits acquittés par le premier bénéficiaire.

La donation-partage transgénérationnelle

La donation-partage transgénérationnelle, introduite par la loi du 23 juin 2006, est un outil juridique permettant aux grands-parents de transmettre directement une partie de leur patrimoine à leurs petits-enfants, avec l'accord de leurs propres enfants. Ce dispositif offre une flexibilité accrue dans la planification successorale, permettant d'anticiper la transmission sur deux générations. Il présente plusieurs avantages, notamment la possibilité d'optimiser la fiscalité en bénéficiant des abattements de chaque génération, de réduire les potentiels conflits familiaux lors de la succession, et de répondre aux besoins spécifiques des jeunes générations. La donation-partage transgénérationnelle permet également de "geler" la valeur des biens transmis au jour de la donation, évitant ainsi une réévaluation lors de la succession. Cependant, sa mise en œuvre nécessite l'accord des enfants du donateur, qui acceptent de voir leur part de réserve héréditaire diminuée au profit de leurs propres enfants. Cette forme de transmission patrimoniale s'avère particulièrement pertinente dans un contexte d'allongement de l'espérance de vie, offrant une solution adaptée aux familles souhaitant organiser efficacement la transmission de leur patrimoine sur plusieurs générations.

Le pacte adjoint et le don manuel

Le pacte adjoint est un outil juridique qui peut être utilisé en complément d'un don manuel au sens de l’article 757 du Code général des impôts, notamment dans le cadre d'une assurance-vie, pour optimiser la transmission intergénérationnelle. Le don manuel aux petits-enfants bénéficie d'une franchise de droits jusqu'à 31 865 euros par opération. Il est soumis aux droits de mutation à titre gratuit lors de sa révélation et est normalement rapportable à la succession du donateur. Le pacte adjoint est un acte sous seing privé et gratuit qui reconnaît le don manuel et fixe ses modalités. Il peut prévoir l'investissement des sommes transmises sur un contrat d'assurance-vie ou de capitalisation au nom des petits-enfants. Il permet également de définir le moment où les bénéficiaires pourront disposer des fonds et peut prévoir une dispense de rapport de la donation à la succession.

Toutefois, attention à ne pas confondre avec les dons de sommes d’argent exonérés de droits régis par l’article 790 du Code général des impôts. Assurément, ces derniers participent aussi à un objectif de transmission transgénérationnelle mais pour autant, ils sont soumis à deux conditions cumulatives :

  • Le donateur doit avoir moins de 80 ans
  • Le donataire doit avoir plus de 18 ans

En conséquence, il est possible d’utiliser les deux dispositifs vers des petits-enfants, sous réserve de respecter les conditions des textes.

La renonciation

La renonciation à succession est devenue un outil de gestion et de transmission du patrimoine depuis la loi du 23 juin 2006. Le principe est simple : un héritier (généralement un enfant) renonce à la succession de son parent. Ses propres enfants (les petits-enfants du défunt) peuvent alors hériter directement, par le mécanisme de la représentation. Cette méthode présente plusieurs avantages. Elle favorise les transmissions transgénérationnelles et permet d'optimiser la fiscalité successorale en "sautant" une génération. Cependant, il faut noter que le principe d'indivisibilité de l'option successorale s'applique : l'héritier doit renoncer à toute la succession. Qui plus est, il est essentiel d'effectuer une analyse préalable de l'actif et du passif de la succession.

Le présent d’usage

Le présent d'usage peut être un outil intéressant de transmission intergénérationnelle. Défini par la jurisprudence comme étant les cadeaux faits à l'occasion de certains événements, conformément à un usage. Le présent d'usage échappe au régime juridique et fiscal des libéralités. Pour être qualifié comme tel, il doit répondre à deux conditions cumulatives : 

-Être fait à l'occasion d'un usage social ou familial (comme un anniversaire, un mariage ou une fête) 

- Être d'une valeur faible par rapport à la fortune du donateur

La jurisprudence constante considère que "le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant". Il est important de noter que malgré des seuils évoqués dans plusieurs décisions, l'appréciation se fait au cas par cas, sous le contrôle souverain des juges du fond. En respectant ces critères, le présent d'usage n'est ni rapportable à la succession, ni réductible, ni taxable aux droits de mutation à titre gratuit, sauf volonté contraire d'après l'article 852 du Code civil. Cela en fait un outil de transmission avantageux.

Autres outils de transmission intergénérationnelle

D'autres outils peuvent être utilisés pour optimiser la transmission intergénérationnelle du patrimoine :

Le cantonnement conventionnel est un outil de transmission intergénérationnelle du patrimoine qui permet d'organiser volontairement la dévolution successorale. Il nécessite une planification par testament avec des dispositions spécifiques, offrant ainsi au testateur la possibilité de définir précisément la répartition de son patrimoine entre ses héritiers, tout en respectant les limites légales de la réserve héréditaire.

L'utilisation de sociétés est une autre stratégie efficace pour la transmission patrimoniale. La société civile facilite la gestion commune du patrimoine familial et permet une transmission progressive des parts sociales, avec des avantages fiscaux en usant, par exemple, du mécanisme de démembrement de propriété. Attention toutefois, lorsque les associés sont des enfants ou petits-enfants mineurs (notamment par le jeu du démembrement), il convient d’aménager soigneusement les statuts de la société pour éviter des blocages et l’intervention du juge des tutelles. 

Les mécanismes de transmission patrimoniale précédemment mentionnés sont également applicables dans le cadre d'une Société par Actions Simplifiée (SAS). Cette structure présente l'avantage supplémentaire de permettre des dons manuels d'actions aux petits-enfants, bénéficiant d'une exonération fiscale plafonnée à 31 865 euros par grand-parent et par petit-enfant, renouvelable tous les 15 ans. Tout comme pour « le pacte adjoint et le don manuel », il s’agit ici des dons mentionnés par l’article 757 du Code général des impôts. La déclaration d’un tel don ne fait pas nécessairement l’objet d’un acte notarié, l’intervention du notaire étant facultative. Effectivement, le formalisme est simplifié et se matérialise par la complétude du cerfa n°2735 qui incombe au donataire (celui qui reçoit). Encore une fois, il est impératif, pour optimiser ces dispositifs, d'accorder une attention particulière au respect des formalités légales et à l'élaboration minutieuse des statuts de la société.

Conclusion

La transmission intergénérationnelle du patrimoine répond à plusieurs objectifs :

  • Optimisation fiscale en profitant des abattements et exonérations propres à chaque génération.
  • Anticipation de la transmission pour éviter les conflits familiaux et assurer une répartition équitable.
  • Adaptation aux besoins spécifiques de chaque membre de la famille, notamment en cas de handicap ou de situations particulières.
  • Préservation et pérennisation du patrimoine familial sur plusieurs générations.

Il est crucial de noter que chaque situation familiale et patrimoniale est unique. Il est donc recommandé d’être conseillé par un professionnel dans l’objectif de mettre en place la stratégie la plus adaptée à votre situation personnelle. En utilisant judicieusement ces différents outils juridiques, il est possible d'organiser une transmission intergénérationnelle du patrimoine efficace, équitable et fiscalement optimisée. Cette approche permet non seulement de préserver le patrimoine familial, mais aussi de l'adapter aux besoins spécifiques de chaque génération, tout en respectant les volontés du donateur initial.