« Tous les pays modernes sans exception, même l’Union Soviétique, pratiquent le prélèvement à la source » énonça le jeune énarque VGE (Valéry Giscard d'Estaing), il y a plus de 45 ans en 1973.
D’ailleurs, une forme de PAS a même déjà existé en France et avait été mise en place en 1939. On nommait cela plus exactement le « stoppage à la source » avec comme toile de fond la guerre, qui exigeait un effort de financement urgent pour pallier aux dégâts causés par celle-ci. Toutefois, ce système a été supprimé en 1948 et ce, pour diverses raisons. Le fait est que jusqu’à aujourd’hui, la France restait un des seuls pays à ne pas pratiquer le PAS. A titre de comparaison, l’Allemagne l’a instauré en 1925, et le Royaume-Uni en 1944. Force est de constater que les contraintes de mise en place du prélèvement se sont quelque peu complexifiées avec le temps, avec un système fiscal familial et de nombreuses niches fiscales. Finalement le PAS rentrera bien en vigueur au 1er janvier 2019.
PAS : Quel est son fonctionnement et ses impacts au 1er janvier 2019 ?
Ce qui ne change pas
Avec un peu d’humour, il faut voir le bon côté des choses, le fonctionnement de l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques) n’est pas revu de fond en comble. Restent inchangés, le barème progressif de l’impôt sur le revenu et les modalités de calcul de l’impôt. Le contribuable aura les mêmes obligations déclaratives en année N de ses revenus N-1 comme il le fait habituellement.
Ce qui change au 1er janvier 2019
Quels sont les modes de prélèvement du PAS ?
Le but du PAS est de collecter l’impôt sans aucun décalage temporel, soit au moment du versement des revenus. Pour ce faire Bercy a mis en place deux outils, la retenue à la source et l’acompte prélevé. Ces systèmes ont deux modes opératoires bien différents et viendront s’appliquer selon la source des revenus distribués. Sortent néanmoins du champ d’action du prélèvement à la source, certaines indemnités, avantages, distributions ou gains nets, qui bénéficient d’un régime fiscal particulier ou sont taxés, sur option par le prélèvement forfaitaire unique de 30 % (PFU).
La retenue à la source :
La grande majorité des contribuables concernés par la retenue à la source seront les salariés et les retraités. En effet, la retenue à la source s’effectue sur les salaires, les pensions de retraite, les rentes (à titre onéreux). Lors de la réception de vos avis d’imposition, vous avez surement dû remarquer que plusieurs taux de prélèvement avaient été renseignés, correspondant au taux par foyer ou par membre du foyer fiscal. Vous aurez alors à choisir entre le taux neutre, global ou individualisé. Ce taux sera ensuite transmis par l’administration aux organes collecteurs d’impôt (entreprise, caisse de retraite…) qui pratiqueront le prélèvement sur le revenu.
L’acompte prélevé :
En parallèle de la retenue à la source il sera prélevé un acompte, mensuel ou trimestriel, pour certaines catégories de revenus. Il touche les contribuables exerçant une activité libérale ou commerciale, les dirigeants d’entreprise rémunérés au titre de leur gérance ou encore les agriculteurs … Bref toutes les activités individuelles soumises aux régimes des BNC, BIC et BA sont concernées. S’ajoute à cette liste, la catégorie des revenus fonciers qui seront soumis également à compter de janvier à un acompte prélevé directement sur le compte du contribuable par l’administration.
Comment est calculé le taux du PAS ?
Avec votre dernière déclaration de revenus 2017, Bercy a déterminé le taux d’imposition de chaque foyer fiscal. C’est ce même taux qui sera retenu pour calculer le montant de l’acompte sur les revenus de type BIC, BNC, ou revenus fonciers… Pour déterminer votre taux, l’administration s’appuie sur deux informations : - La somme des revenus imposables de votre foyer (c’est-à-dire avant déduction de vos frais professionnels et charges déductibles) - Le montant brut de votre impôt (c’est-à-dire avant déduction de vos éventuels crédits et réductions d’impôts) Le taux obtenu grâce à ces données peut être supérieur à votre taux moyen d'imposition si vous bénéficiez d'avantages fiscaux. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec l'impôt retenu à la source, vos crédits et réductions d'impôt vous sont remboursés directement sur votre compte bancaire au lieu d'être déduits de votre impôt brut comme c'était le cas jusqu'à présent. La déclaration des revenus 2018 qui sera effectuée en juin 2019 par les contribuables ajustera le taux d’imposition pratiqué à compter de septembre 2019.
Peut-on modifier le taux ?
Oui vous pouvez, à condition de satisfaire certains critères. Tout d’abord l’administration offre la possibilité de pratiquer un taux « neutre » dit discrétionnaire, permettant aux salariés de garder l’anonymat sur ses revenus globaux vis-à-vis de son employeur. En réalité, ce taux neutre est très proche du taux réel envisagé… Ensuite, les couples mariés ou pacsés verront leur taux être individualisé, propre aux revenus de chacun. Toutefois, ils pourront opter pour un taux de prélèvement sur les revenus globaux du foyer. Les contribuables auront toujours par la suite la possibilité de moduler le taux en cas de forte baisse de revenu, occasionnée par la cessation d’une activité professionnelle ou de vacance locative par exemple. Enfin les foyers fiscaux, dont la situation familiale aurait changée, auront tout intérêt à signaler ce changement à l’administration fiscal.
Que deviennent les réductions et crédits d’impôt ?
Vous l’aurez bien compris, les réductions et crédits d’impôt ne sont pas pris en considération pour le calcul du taux d’imposition. Afin de limiter l’impact sur le pouvoir d’achat et la trésorerie des ménages pendant les premiers mois de chaque année, l’administration fiscale, prévoyait initialement une avance de 30% calculée sur le montant des réductions/crédits d’impôt (dons aux œuvres, personnes à domicile, personnes en difficulté, cotisations syndicales, investissements locatifs), censés être récurrents, pour ses bénéficiaires. Toutefois, l’avance de 30% a été jugé trop faible et a été rehaussée à 60%. Cette avance sera versée dès le 15 janvier 2019, le reliquat éventuel ou trop perçu sera régulé lors de la liquidation définitive des déclarations 2018 en août 2019.
Quel sort nous réserve l’année 2018 surnommée « l’année blanche » ?
Le CIMR, qu’est-ce que c’est ?
La mise en œuvre du PAS sera accompagnée du CIMR (Crédit d’Impôt Modernisation du Recouvrement) visant à neutraliser l’impôt sur les revenus « normaux » de l’année 2018. En effet, les contribuables, en 2019, auraient été théoriquement redevables des impôts concomitants aux revenus 2019 et aux revenus de l’année 2018. Le CIMR vise à neutraliser les revenus courants 2018 des contribuables français. D’où le terme année blanche, ou plutôt grise, qui nous semble plus adapté à la situation, compte tenu de l’imposition restant effective sur les revenus dits exceptionnels. Ces revenus exceptionnels s’entendent des revenus dont le caractère ponctuel est prédominant (indemnité de retraite, bonus exceptionnel, primes plus élevées qu’usuellement…). Il en est de même pour les revenus générés par les activités de BIC, BNC ou rémunérations de gérance (art.62 du CGI) du chef d’entreprise s’ils dépassent le plus haut revenu des trois années précédentes (sauf à justifier d’un surcroît d’activité). En pratique les revenus normaux vont générer un impôt calculé selon le barème et cet impôt sera neutralisé par le CIMR. Les réductions ou crédits d’impôts liés à l’année 2018 seront restitués au contribuable. Seul sera du un impôt sur les revenus exceptionnel calculé selon votre taux moyen d’imposition.
L’imposition au taux moyen vs TMI pour les revenus exceptionnels : une fenêtre de tir ?
Comparé à la taxation habituelle des revenus au barème progressif par tranche, les revenus dits exceptionnels feront l’objet, pour l’année 2018, d’une imposition particulière. En effet, l’administration a déterminé une modalité d’imposition différente sur la partie des revenus ne faisant pas l’objet du CIMR. Les revenus exceptionnels seront donc taxés au taux moyen d’imposition au lieu du taux marginal. Une modification de l’impact du barème de l’impôt qui peut s’avérer dans certains cas, être une opportunité à saisir.
Le statut particulier de l’épargne retraite et des travaux immobiliers
Des mesures anti-optimisation ont été mises en œuvre en matière de travaux immobiliers et d’épargne-retraite pour contrer les effets d’aubaine menant à une concentration des dépenses et versements sur l’année 2019. Pour les revenus fonciers, il nous semble inutile d’effectuer une concentration de dépenses sur 2019 en oubliant 2018… La dépense pour travaux volontaires en 2019 sera déductible à 50% du cumul 2018 et 2019… Par contre, un déficit foncier en 2018 au-delà du double de la limite d’imputation des déficits sur le revenu global (10 700 €), semble être pertinent. En effet 50% des travaux payés en 2018 seront déductibles en 2019, mais le déficit en report issus du résultat foncier 2018 sur les années ultérieures sera cristallisé… Double effet ? Attention, il s’agit du texte en l’état, qui pourrait faire l’objet d’une loi de Finances rectificative. Les cotisations et primes versées pour les PERP au titre de 2018 ont été encadrées par l’amendement 467, il nous paraît donc inopportun d’ouvrir un PERP cette année.
Conclusion
A la question y-a-t-il des gagnants ou des perdants à cette réforme, nous pouvons répondre que de manière globale c’est une réforme qui facilitera les démarches administratives. On peut rajouter que l’année blanche peut être particulièrement favorable aux personnes partant en retraite au 1er janvier 2019, car dans ce cas particulier, elles paieront en 2019 un impôt calculé sur leur pension et non sur leur dernière année de revenu d’activité. Mais c’est vrai également pour toute personne qui connaitra une baisse significative de revenus d’une année sur l’autre. Les perdants demeurent peut-être les jeunes entrants en activité au 1er janvier 2019 puisqu’ils perdront l’avantage d’une année sans fiscalité (impôt payé en N+1 dans le système actuel) en payant l’impôt par prélèvement sur leurs revenus.