Le prélèvement à la source sera la dernière grande réforme fiscale de l’administration Hollande. Sur le fond cette réforme a du sens. Le décalage d’un an qui existe entre l’encaissement des revenus et le paiement de l’impôt nécessite pour un certain nombre de contribuables une certaine prudence voire la mise en place de provisions d’une année sur l’autre.
Les indépendants qui commencent leur activité, les chefs d’entreprises qui cèdent leurs droits sociaux, pour départ à la retraite ou non, ou encore les salariés qui subissent une période de chômage, sont des exemples caractéristiques de ce décalage induit entre revenus d’une année N et impôt payé l’année N+1, alors que les revenus ne sont peut-être plus les mêmes. L’idée, vieux serpent de mer politique, n’a jamais abouti, Giscard, Rocard ou encore Villepin y avaient renoncé en leur temps.
Qu’on se le dise, la réforme parait cette fois ci sur les rails. Michel Sapin l’a confirmé cet été et la réforme est prévue pour la Loi de Finances pour 2017. La première année d’application du prélèvement sera en 2018. Précisons que cette réforme ne concerne que les modalités de paiement de l’impôt. Les revenus continueront à être déclarés comme c’est le cas actuellement.
Tous concernés ?
Salariés, retraités, indépendants, et tous les revenus non prélevés à la source sont concernés. Sont donc visés, les salaires, revenus de remplacement, revenus des indépendants et les revenus fonciers. Les plus-values immobilières et les revenus de capitaux mobiliers sont d’ores et déjà prélevés à la source.
A qui incombe la collecte de l’impôt ?
C’est le sujet qui fâche. La collecte de l’impôt incombera dorénavant aux employeurs, aux caisses de retraites, à l’assurance-chômage, en fonction d’un taux communiqué par l’administration fiscale.
Pour les indépendants, ils verseront un acompte, calculé en fonction de leurs revenus des mois précédents.
Comment sera fixé le taux ?
Le taux sera fixé par l’administration fiscale et communiqué, aux contribuables et à l’employeur, au deuxième semestre 2017. Il sera ensuite actualisé en septembre 2018, suite à la déclaration de revenus du printemps 2018. Les couples auront la possibilité d’un taux différent pour chaque conjoint. Il sera également possible de demander l’application d’un taux neutre à l’administration, pour les contribuables souhaitant plus de discrétion envers leur employeur.
Quoiqu’il en soit une régularisation interviendra, au moment de la déclaration de revenus. Et le solde de l’impôt devra toujours être acquitté sur les derniers mois de l’année suivante.
Finalement nous aurons toujours un effet de rattrapage, en cas de hausse de revenus d’une année sur l’autre, avec un décalage d’un an.
De même en cas de baisse marquée des revenus en cours d’année (dus à des évènements de la vie, chômage, baisse d’activité marquée pour les indépendants, naissance d’un enfant…) nous aurons la possibilité de demander une modification du taux de prélèvement.
Il y a fort à parier, que comme c’est le cas actuellement, pour les modifications des mensualités ou des tiers, l’administration n’appliquera pas de pénalités sous réserves d’une différence prédéfinie entre l’impôt final et provisionné.
Quid des réductions et crédits d’impôts
Tous les crédits d’impôts engagés en 2017 seront conservés, dixit Bercy. Néanmoins comment vont être traités les réductions et crédits d’impôts 2017 ou engagés avant (Scellier, Pinel, garde à domicile), et ceux des années qui suivent. Vers une double année en imputation en 2018 ? Ou alors un décalage dans le temps des effets des réductions d’impôts ? La question est délicate.
Comment gérer l’année blanche ?
C’est clairement l’un des grands enjeux de la réforme. Il serait tentant pour les contribuables d’avoir des comportements opportunistes concernant leurs revenus de l’année 2017.
Comme il est impensable de taxer une même année les revenus issus de deux exercices, Bercy a annoncé que les « revenus salariaux » de 2017 ne seront pas taxés… Quid des revenus fonciers, des revenus des indépendants, des revenus du capital. Nous attendons avec prudence les détails du projet de loi pour commenter. Nous savons d’ores et déjà que des règles « anti-abus » sont dans les tuyaux.
Des gagnants et des perdants ?
Les particuliers qui prendront leur retraite seront favorisés par la réforme. Qu’ils la prennent d’ailleurs fin 2017 ou dans quelques années. Il n’y aura plus ce décalage entre la dernière année d’activité, et des impôts souvent plus importants face à des pensions nettement inférieures. Les jeunes rentrant dans la vie active, quant à eux, seront les grands perdants.
Fini l’année idéale, des revenus, et pas d’impôt la première année…