Le démembrement de propriété est une notion que la majorité d’entre nous connait un peu pour l’avoir vécu parfois, ou réalisé volontairement. L’objet de ce thème est de vulgariser quelques notions sur cet aspect civil assez fréquent. Compte tenu de la densité du sujet nos équipes se tiennent à votre disposition pour vous éclairer sur les cas particuliers que vous pourriez rencontrer dans votre situation patrimoniale.

Les sources du démembrement

Les enfants sont fréquemment nus-propriétaires d’une partie du patrimoine d’un de leurs auteurs avec l’usufruit au conjoint survivant, dans le cas de successions. Il s’agit d’un démembrement d’origine légale.

Parfois le démembrement résulte de libéralités (donations) qui ont été réalisées par des parents ou grands-parents. Le démembrement est alors volontaire. Ce démembrement volontaire peut être viager, successif ou temporaire. Dans ce dernier cas l’usufruit est limité à une durée de trente ans pour une personne morale.

L’usufruit successif est assez fréquent lorsque des parents donnent la nue-propriété aux enfants et souhaitent conserver la jouissance au dernier des vivants.

Le démembrement temporaire trouve son application généralement soit dans des groupes familiaux (donation temporaire d’usufruit à un enfant, pour lui donner des revenus et sortir l’actif de la base ISF des parents) soit dans certains montages immobiliers (achat de la nue-propriété par un investisseur et de l’usufruit par un bailleur social). Le démembrement est alors conventionnel.

Usufruit et nue-propriété, des droits distincts

Lorsqu’un bien est démembré, l’usufruitier possède un droit réel, éventuellement cessible, lui permettant de jouir du bien ou d’en percevoir les revenus. Le nu-propriétaire dispose également d’un droit réel, éventuellement cessible, qui lui permet de recouvrer la pleine propriété lors de l’extinction de l’usufruit.

Voici quelques situations assez fréquentes afin d’illustrer les droits de chacun:

Type de situationConséquences
Usufruit sur des biens immobiliers L’usufruitier perçoit les loyers, ou il peut habiter le bien s’il s’agit d’une résidence principale, ou d’un autre bien d’usage.
Usufruit sur un bien consomptible comme une somme d’argent L’usufruitier devient un quasi-usufruitier. Il peut librement disposer de la somme, en étant éventuellement tenu de donner caution au nu-propriétaire. Ce dernier aura une créance à son égard, à sa succession.
Usufruit sur des droits sociaux Conformément à l'article 1844 du code civil, les droits de vote appartiennent au nu-propriétaire sauf en ce qui concerne l'affectation des résultats de l’année, qui alors concerne l'usufruitier. L’usufruitier touche les dividendes, sauf si les résultats ont été mis en réserve. Dans ce cas, si une distribution ultérieure est réalisée, c’est le nu-propriétaire qui en bénéficie.
Cession conjointe de biens démembrés

Lors de la cession conjointe par un nu-propriétaire et un usufruitier d’un bien dont la propriété est démembrée, trois choix sont alors possibles, selon le souhait des parties, avec les fonds recueillis :

  • reporter le démembrement sur une nouvelle acquisition
  • mettre en place un quasi-usufruit au profit de l’usufruitier
  • partager le prix en fonction des droits de chacun

Impact fiscal du démembrement

Le démembrement génère des situations fiscales différentes pour le nu-propriétaire et l’usufruitier. Voici en quelques lignes les principales particularités fiscales au regard de l’impôt sur le revenu, de l’IFI ou des droits d’enregistrement :

Impôt sur le revenu

Le bien est donné en location

L’usufruitier est redevable de l’impôt sur les revenus fonciers. Il peut bien entendu déduire ses charges, selon les règles générales, en matière de revenus fonciers.

Le nu-propriétaire, ne disposant pas du revenu foncier, aura la possibilité de déduire de ses autres revenus fonciers, les dépenses déductibles qu’il aura engagées. A défaut, il pourra toujours constater un déficit foncier imputable, dans les limites de droit commun (10 700 €), sur son revenu global. Le nu-propriétaire peut choisir un régime de déduction dérogatoire que nous verrons dans le paragraphe suivant.

Le bien n’est pas loué

Le nu-propriétaire peut bénéficier d’un régime dérogatoire depuis le 1er janvier 2009. Lorsque le démembrement résulte d’une succession ou d’une donation (sans charge ni condition, mais sous réserve de lien de parenté), le nu-propriétaire peut imputer les dépenses de grosses réparations (article 605 du code civil), sur son revenu imposable, dans la limite de 25 000 € par an. Si la dépense excède ce seuil, l’excédent est reportable pendant 10 ans.

Impôt sur la fortune

L’usufruitier est imposé en principe sur la valeur des biens en pleine propriété. Le nu-propriétaire est donc exonéré. Toutefois, cette taxation trouve son exception dès lors que l'usufruit légal du conjoint survivant est constitué avant le 1er janvier 2002. Le redevable possédant l'usufruit d'un immeuble à la suite du décès de son conjoint, et ce quelle que soit la date du décès, est imposé sur la valeur de l'usufruit (hors usufruit résultant d'une disposition prise par le défunt en sa faveur), et le nu-propriétaire sur la valeur de la nue-propriété.

Droits d’enregistrements

La valeur de l’usufruit diffère selon que l’usufruit soit viager ou temporaire. Les barèmes qui suivent sont utilisés pour le calcul des droits d’enregistrement. En cas de cession à titre onéreux de l’usufruit ou de la nue-propriété, les parties peuvent convenir d’une valeur économique différente du barème fiscal.

Usufruit viager

La valeur de l’usufruit est en fonction de l’âge de l’usufruitier. La valeur de la nue-propriété est donc calculée de manière résiduelle. Les pourcentages indiqués sont calculés sur la base de la valeur en pleine propriété.

Age de l’usufruitierValeur de l’usufruitValeur de la nue-propriété
Jusqu’à 20 ans 90% 10%
De 21 à 30 ans 80% 20%
De 31 à 40 ans 70% 30%
De 41 à 50 ans 60% 40%
De 51 à 60 ans 50% 50%
De 61 à 70 ans 40% 60%
De 71 à 80 ans 30% 70%
De 81 à 90 ans 20% 80%
Plus de 91 ans 10% 90%

Usufruit temporaire

La valeur de l’usufruit est calculée sur la base de 23% de la valeur en pleine propriété, par tranche de dix ans. Par exemple si un bien est donné en usufruit pour une durée de 15 ans, la base retenue pour les droits d’enregistrement sera de 46% de la valeur du bien en pleine propriété (il n’y a pas de fraction).