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Notaire à Boulogne-Billancourt

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Que pensez-vous de la nouvelle définition de l’abus de droit, dans votre pratique notariale ?

De prime abord, elle fait très peur puisque désormais tout acte à motif « fiscal principal » est constitutif d’un abus de droit. Jusque-là en effet seul l’acte à motif « fiscal exclusivement » était susceptible de faire l’objet d’une procédure fiscale de requalification et donc de sanctions corrélatives.

Ce n’est pas la première fois qu’une loi tente de modifier le champ d’application de la procédure de l’abus de droit. La loi de finance pour 2014 envisageait déjà cette extension aux actes à motif « fiscal principal ». Toutefois le Conseil Constitutionnel avait censuré cette nouvelle définition au motif que la nouvelle définition conférait une marge d'appréciation trop importante à l'administration fiscale (décision 2013-685 DC du 29 décembre 2013). En 2019, la même institution n’a pas censuré le texte.

La principale difficulté de cette nouvelle définition réside donc dans le fait de savoir comment l’administration fiscale va interpréter la notion de « motif principal ».

Le contour sera défini dans le temps à la fois par l’usage qu’en fera l’administration mais également en fonction des décisions des tribunaux et/ou de la doctrine administrative qui confirmeront, infirmeront ou commenteront l’usage qui en est fait.

Le risque est que le processus s’étale dans le temps.

Je suis résolument optimiste. Rien ne sert de s’affoler, il y a peu de chance que les choses restent en l’état. L’arme est tellement puissante que, si les praticiens ne sont pas rassurés rapidement par des textes complémentaires ou rectificatifs, plus rien ne se fera en France en terme de société et de gestion patrimoniale. Il est peu probable que nos politiques puissent se le permettre. L’insécurité juridique freinerait les montages. Le terme « freiner » est même léger, je dirais plutôt « stopper net » la plupart des opérations en gestion de patrimoine.

Il est certain que des pénalités encourues de 40 et 80% dissuaderaient nombre de citoyens, si ce n’est tous.

Un communiqué de presse du Ministère de l’Action des Comptes Publics en date du 19 janvier 2019 vient déjà de préciser que les donations en nue-propriété ne sont pas concernées car il ne s’agit pas d’actes à motif fiscal principal. Il est vrai que sa valeur est quelque peu relative et son contenu devra être repris dans une source de droit français. Mais les actions pour rassurer ont commencé… et il reste un peu de temps aux gouvernants … car la nouvelle définition de l’abus de droit entrera en vigueur pour les actes à compter du 1er janvier 2020.

Tel un serpent de mer permanent, des réflexions fleurissent à nouveau sur une éventuelle modification de la fiscalité successorale. Quel est votre point de vue ?

Sous la 5ème république et jusqu’en 2012, l’abattement en ligne directe a continuellement augmenté. La période de reconstitution de ce dernier a également baissé. Les transmissions à titre gratuit étaient donc favorisées.

Depuis 2012 on amorce une chute de l’abattement et un accroissement de la durée pour sa reconstitution. La courbe s’inverse donc !

Ainsi il est possible au 1er janvier 2019 de transmettre 100.000 euros par parents, par enfants, tous les 15 ans, quand, à titre de comparaison, au 1er janvier 2011, il était possible de transmettre, dans les mêmes conditions, 159.325 euros tous les 6 ans.

L’actualité et la loi de finances pour 2019 (1ère question) laissent présager un durcissement de la fiscalité du patrimoine.

L’Etat doit trouver des ressources. L’augmentation de la tva n’étant pas envisagée et la taxation des revenus paraissant peu envisageable, seules les successions semblent être une source régulière et importante de rentrées fiscales.

Vous évoquez « le serpent de mer » je pense que sa première victime sera le conjoint survivant qui, pour l’instant et uniquement depuis Sarkozy, est exonéré de droits de succession.