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Face à la maladie, à la perte de facultés mentales, ou au décès de son conjoint, le survivant peut se retrouver perdu. Peut-il gérer les biens de son compagnon ? Quelles règles vont s’appliquer ? Que faire pour améliorer la situation ?

Les personnes vivant en couple, c’est-à-dire menant une vie commune, et cohabitant, en principe, sous le même toit, ont le choix entre trois statuts différents : le mariage, le PACS, et le concubinage ou union libre. Ces trois formes de conjugalités présentent chacune leurs spécificités face aux situations extrêmes que sont les incapacités et le décès d’un compagnon.

L’incapacité

Il existe trois grands régimes de protection judiciaire des majeurs : la sauvegarde de justice, la curatelle, et la tutelle. La désignation du tuteur ou du curateur, dont le rôle sera de prendre soin du majeur protégé et de gérer son patrimoine, appartient au juge selon un ordre de préférence fixé par la loi. Doit en premier lieu être désigné la personne que le majeur a lui-même désigné par avance, mais à défaut, la loi désigne le conjoint, partenaire ou concubin. Ces derniers pourront ainsi gérer les biens de leur compagnon dont les facultés mentales sont altérées. Toutefois, certains actes, notamment les actes de disposition (vente ou achat d’un immeuble, conclusion d’un bail…) nécessiteront l’autorisation du juge.

Précisons que le juge ne peut ordonner une sauvegarde, une curatelle ou une tutelle qu’en cas de nécessité et seulement s’il ne peut pas être pourvu aux intérêts de la personne par l’application d’autres règles moins contraignantes. C’est notamment le cas pour les couples mariés. En effet, le Code civil met en place des mécanismes judiciaires réglant les conséquences d’un désaccord entre les époux, ou la défaillance de l’un d’eux, notamment en cas de maladie entrainant la perte des facultés mentales. Il est tout d’abord possible pour un époux d’obtenir une autorisation judiciaire à agir seul en cas d’incapacité ou de refus à agir du conjoint. Il agira alors en son nom propre, pour des actes qu’il aurait dû faire avec son conjoint. De même, si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers : on parle de mandat judiciaire.

Pour éviter ces procédures judiciaires assez lourdes, une solution existe : le mandat de protection future. Il donne à chacun le pouvoir d’organiser à l’avance sa propre protection, en donnant mandat à une ou plusieurs personnes (son conjoint, partenaire ou concubin par exemple) de le représenter pour le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales. Ce mandat peut être notarié ou sous seing privé. Si le mandat a été établi par acte notarié, le mandataire pourra alors effectuer non seulement des actes conservatoires et d’administration, mais aussi des actes de disposition.

Le décès

En cas de décès, le mariage est la forme d’union la plus protectrice du survivant. En effet, en l’absence de dispositions du défunt, la loi reconnait le conjoint survivant comme étant l’héritier de son époux prédécédé. Ainsi, selon les cas, le conjoint survivant recueillera la totalité de la succession, ou la partagera avec les descendants ou ascendants du défunt. Il bénéficie également d’un véritable avantage d’ordre fiscal, puisqu’il est totalement exonéré de droits de succession.

De plus, la loi reconnaît aux époux un droit temporaire au logement en cas de décès d’un conjoint.

Pendant un an à compter du décès de ce dernier, le conjoint survivant pourra bénéficier de plein droit de la jouissance du logement familial et du mobilier le garnissant. Cela permet d’éviter qu’il soit contraint, sous la pression des héritiers, de quitter ce logement sitôt le décès survenu. Il a ainsi le droit d’occuper gratuitement le logement familial, si ce dernier constituait sa résidence principale au moment du décès de son époux, et si ce bien appartenait aux deux époux ou dépend totalement de la succession ou appartenait pour partie indivise au défunt. Si le bien était loué, les loyers seront remboursés par la succession au fur et à mesure de leur acquittement, et ils peuvent être déduits de l’actif successoral. Ce droit étant d’ordre public, le conjoint survivant ne pourra pas en être privé. Le Code civil va encore plus loin et prévoit également un droit viager au logement : le conjoint survivant pourra bénéficier d’un droit d’habitation et d’usage sur le logement qu’il occupait à titre d’habitation principale et sur le mobilier le garnissant tout au long de sa vie durant, jusqu’à son propre décès. Lorsque le logement n’est plus adapté aux besoins du conjoint survivant, celui-ci peut le louer à usage d’habitation. Ce qui lui permettra de financer un nouvel hébergement conforme à ses besoins. Il convient toutefois de préciser que ce droit viager, contrairement au droit temporaire, n’est pas d’ordre public : il est possible d’en priver son époux par testament authentique.

La situation du partenaire pacsé survivant est moins confortable. Tout d’abord, la loi ne lui reconnait aucune vocation successorale : il est considéré comme un tiers par rapport à la succession de son partenaire, et ne recevra rien. Il est donc impératif pour les partenaires de rédiger un testament afin de protéger leur compagnon. Fiscalement, les partenaires pacsés bénéficient du même avantage que les conjoints survivants, ils sont également exonérés de droits de succession. Enfin, le Code civil permet au partenaire survivant de bénéficier de plein droit de la jouissance gratuite du logement et du mobilier le garnissant pendant un an à compter du décès de son compagnon. Ce droit temporaire au logement n’est cependant pas identique à celui reconnu au conjoint survivant, car s’agissant du partenaire ce droit n’est pas d’ordre public, il est possible de l’en priver notamment par testament.

Enfin, ce sont les concubins qui sont, en cas de décès, les moins bien protégés. En effet, selon la maxime attribuée à Napoléon « les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d’eux », le Code civil ne prévoit aucune disposition régissant leur succession. Le concubin survivant est considéré juridiquement et fiscalement comme un étranger. La loi ne lui reconnait ni de vocation à succéder à son compagnon, ni de droit au logement. La rédaction d’un testament est donc indispensable pour le protéger. Il ne bénéficie par ailleurs d’aucun régime fiscal de faveur, puisqu’il est redevable de droits de succession à hauteur de 60%.

Peu importe la forme de conjugalité choisie, pour anticiper sa succession et protéger ses héritiers en les déchargeant de la gestion de leur patrimoine et en leur évitant de prendre des décisions dans l’urgence, il est possible de conclure un mandat à effet posthume. Ce mandat, véritable acte de prévoyance et d’anticipation, permet à son signataire de désigner en toute liberté la ou les personnes qui auront la charge de gérer ses biens après son décès. Le mandataire peut donc être une personne totalement étrangère à la famille, comme un ami ou un associé. Ce type de mandat sera notamment utilisé par les parents d’enfants mineurs ou souffrant d’un handicap, ou par les chefs d’entreprises ou les personnes qui possèdent des biens dont la gestion nécessite des compétences particulières. Il leur permettra notamment de s’entendre préalablement avec le mandataire désigné sur les décisions que celui-ci aura à prendre le moment venu.